Union céleste

 

 

Dieu sait bien que la femme est maîtresse de l’homme,

Mais l’époux courageux, chez l’épouse économe,

S’ils sont deux bons chrétiens en un cœur bien fondus,

Libre, vit dans la paix, loin des joug défendus.

Simple, comme un enfant qui partage une orange,

Il fait toujours deux parts de tout fruit mûr qu’il mange.

Il choisit les meilleurs qui sont les fruits permis

C’est un sage content du monde où Dieu l’a mis.

Pauvre, il a les trésors profonds de l’Évangile,

Riche, il tient ses greniers grands ouverts sur la ville ;

Quand le soir vient, l’étoile à sa lampe sourit.

Couple qui s’épousa sous les yeux de l’Esprit.

Rébecca dont le cœur battit à grands coups d’aile,

En voyant Isaac sortir au-devant d’elle ;

Isaac, dont le cœur en fête remarqua

L’anneau d’or fin qui luit au nez de Rébecca,

Étaient moins saintement amoureux l’un de l’autre

Que ces époux, courbés au souffle de l’apôtre

Quand leur âme aspira, près du cierge éclairé

Le parfum frais qui sort du vieux texte sacré.

Comme il est bon et droit, que Jésus est son maître,

S’il parle, elle a des yeux ravis de se soumettre ;

Qu’elle parle, il écoute heureux de se plier

Aux désirs purs d’un cœur que Jésus sut lier.

Tous deux savent le prix des torts que l’on pardonne.

Au milieu des enfants que le Seigneur leur donne,

Ils laissent se mêler aux fils d’or éclatants

Les fils sombres qui sont au dévidoir du temps.

L’époux travaille ; il est ouvrier ou poète,

Il explique aux siens Dieu dont le ciel est la fête.

Un enfant vous écoute avec tant d’appétit,

C’est innocent, c’est bon, c’est grave, c’est petit.

Elle, quand elle file, un bras hors de la manche,

Elle a l’air de filer son âme en laine blanche.

Et son cœur doux s’écoule aux ondes de son lait,

Flot parfumé, pareil au flot pur, qui coulait

Du sein sacré sur qui Dieu tout petit ne bouge

Que sa lèvre d’enfant, humble fleurette rouge.

Dans la neige du linge et les tulles au vent,

Voilà la mère avec son sourire vivant,

Dont la chambre s’échauffe et dont l’ombre s’éclaire.

Femme aux seins mûrs, miracle, ô reine populaire !

Majesté de grands cils abaissés sur l’enfant,

Il s’abandonne, il dort. Un baiser le défend !

Le père le contemple, un rire sur la bouche.

Il est tel que devant une rose farouche

Un bon peintre amoureux de la gloire des fleurs.

Tous vivent dans le calme et les claires couleurs !

Ô chaleur maternelle ! ô prière qui vole !

Ô bouches ébauchant la première parole

Chère tribu, petit peuple qui grandissez,

Mère, qui d’une main délicate emplissez

De feuilles et de fruits les faïences fleuries,

Père, au sourire plein de chaudes causeries,

Servante qui tournez au bruit clair des sabots,

Si vous êtes sereins, même avec des tombeaux,

Si vous gardez entier l’amour de la famille

Dont la laine encor moins que l’honneur vous habille,

Si vous restez amis, quoi ? n’est-ce pas un peu

Parce qu’à tous vos soins vous savez mêler Dieu,

Qu’il vous tient sous son aile et qu’il vous a plu d’être

Unis par Jésus-Christ et bénis par son prêtre !

 

 

 

Germain NOUVEAU, Savoir aimer, 1904.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

www.biblisem.net