Déchirement

 

 

J’ai beaucoup pensé... J’ai compris

Que l’œuvre divine est paisible et claire,

Qu’en la vie chaque instant est admirable,

Qu’en la vie chaque instant est grand ;

Mais l’âme en son tourment involontaire,

Chuchote et proteste à mi-voix !

Et l’esprit en vain concilie

Un nombre infini de contradictions...

Lourde est la vie de tous les jours,

Lourd le souci mesquin et desséchant ;

L’âme ne sait quels vœux former,

Pourtant elle déborde de désirs,

Et ce n’est pas malgré tous ses efforts,

La raison qui l’apaisera !

Tranquille est l’esprit, mais le cœur, lui, souffre,

En nous le feu, le sang bouillonnent,

Et les pleurs coulent malgré nous...

Spleen accablant, spleen accablant !...

Que plein de flamme au ciel tu veuilles fuir,

Qu’aux joies du monde aille ta soif,

Toujours l’oiseau cruel de Prométhée

Fouille ton cœur d’un bec avide.

 

 

 

Nikolaï Platonovitch OGAREV.

 

Recueilli dans Anthologie de la poésie russe,

choix, traduction et commentaires de Jacques David,

Stock, 1947.

 

 

 

 

 

 

 

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