Confidences de fleurs

 

 

C’ÉTAIT aux beaux jours de l’été :

L’aube se levait souriante,

Et sur la plaine étincelante

Planait une douce clarté ;

 

L’air était pur ; vive et légère

L’alouette montait au ciel ;

L’abeille butinait son miel ;

La fraise embaumait la fougère.

 

Et je m’assis, le front rêveur,

Sous un saule de la prairie...

Soudain une étrange harmonie

Vint surprendre et bercer mon cœur :

 

C’étaient les voix mystérieuses

Des fleurs qui tout bas se causaient,

Et qui – les folles ! – se faisaient

Des confidences gracieuses !

 

L’une disait : « Des papillons,

– « Sylphes aux coquettes allures, –

« J’ai reçu, dans les doux murmures,

« Mille baisers pleins de frissons ! » –

 

Une autre : – « Quand l’aube embaumée,

« Ce matin, dora l’horizon,

En m’éveillant, un gai rayon

« M’appela sa Fleur bien-aimée ! » –

 

– « Cachée auprès du nid soyeux,

Répond une jeune venue,

« J’ai vu la mère tout émue

« Caresser ses petits joyeux. »

 

– « Zéphyr m’effleurant de son aile,

« Est venu me faire la cour ;

« Puis, me baisant avec amour,

« M’a dit tout bas que j’étais belle ! »

 

– « Moi, dit une autre, pour l’autel

« De la Vierge qui nous protège,

« Je garde ma blancheur de neige

« Et mes parfums, présents du ciel ! »

 

– « Moi je désire être l’emblème

« Chéri de la sainte Pudeur,

« Pour que ma suave fraîcheur

« De son front soit le diadème ! »

 

– « Symbole de la charité,

« Je voudrais, à l’humble chaumière

« Portant ma senteur printanière,

« Consoler le déshérité !... »

 

– « Ô mes sœurs, le ciel nous a faites

« Pour parfumer l’air et les cœurs ;

« Il est doux d’essuyer les pleurs

« Et charmer les douleurs secrètes !.... »

 

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Et j’écoutais, silencieux,

Ce suave et charmant murmure ;

Et je t’adorais, ô Nature !

Et je vous bénissais, ô Cieux !...

 

 

 

Louis OPPEPIN.

 

Paru dans La Sylphide en 1897.

 

 

 

 

 

 

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