Prière du soir
Laissez-moi l’espoir de jouir
En paix, ô Créateur des choses,
Des souffles tièdes du zéphyr
Qui joue en effeuillant les roses ;
De mon grand fleuve au cours puissant,
Et du ravin, couvert de chênes,
Qui vers les prés en fleurs descend
À travers les moissons des plaines ;
Des bords du rivage béni
Où m’a bercé plus d’un beau rêve ;
Des charmes du vague infini
Et du chant des flots sur la grève !
Permettez-moi de voir encor
L’Astre par qui vivent les mondes
S’entourer de nuages d’or
En se couchant au sein des ondes !
Enfin, mon dernier jour venu,
Laissez-moi franchir, sans souffrance,
Les limites de l’Inconnu
À la suite de l’Espérance.
Eugène ORIEUX.
Paru dans L’Année des poètes en 1892.