Jeanne d’Arc

 

 

Voyez-vous les Anglais jaloux de conquérir

Notre sol..., lutte à mort cinq fois renouvelée ;

La victoire nous fuit, et la France, accablée,

Se débat dans le sang ; elle se voit mourir.

 

Une femme apparaît au milieu des combats,

Une enfant, Jeanne d’Arc ! l’étoile de la France,

Qui vient dans tous les cœurs rallumer l’espérance ;

Et, par un grand exemple, exciter nos soldats.

 

Fille de laboureurs, gardeuse de brebis,

Frémissante aux malheurs de la France éplorée,

Un jour, elle entendit une voix éthérée

Qui lui dit : « Les Anglais sont maîtres du pays

 

« Pour lequel ton cœur bat... C’est au nom du Seigneur,

« Jeanne ! fille de Dieu, que je te parle. Vole

« Au secours du Dauphin qui, là-bas, se désole,

« Toi seule peut sauver et la France et l’honneur. »

 

Et bientôt l’Anglais fuit sous son pas triomphant...

Sa tactique confond tous ces vieux capitaines

Qui comptent, à l’envi, des exploits par centaines

Et qui pour maître, alors, trouvèrent une enfant.

 

De la patrie en deuil, elle sèche les pleurs ;

On l’acclame partout comme une souveraine,

Comme un ange sauveur ; les guerriers qu’elle entraîne

Admirent son audace et la couvrent de fleurs ! ! !

 

Mais, d’où peut lui venir ce pouvoir surhumain,

Électrisant les siens, si ce n’est de Dieu même

Qui remplit son esprit en ce moment suprême

Et qui vient délivrer un peuple par sa main ?

 

Villageoise illettrée, un don surnaturel

Ne lui donne-t-il pas cette force invincible

Qui domine et permet de tenter l’impossible,

Lorsque pour guide, elle a le doigt de l’Éternel ?

 

Jeanne bat les Anglais vingt fois en quelques jours...

Le front haut dans la lutte et marchant la première,

Elle fait reculer cette puissance altière

Qui voulait s’implanter en France pour toujours.

 

Et Jeanne a délivré le royaume français

Et le Roi ... ; mais un jour de néfaste mémoire,

Dans la lutte inégale, ô deuil de notre histoire !

La noble Jeanne tombe au pouvoir des Anglais...

 

On la charge de fers, on étouffe sa voix.

Quand c’est Dieu qu’elle invoque, on crie à l’imposture,

À l’hérésie ; enfin, on l’expose à l’injure

Des lâches qu’elle avait terrassés tant de fois.

 

Puis, vient le jugement, mais quel sinistre jeu :

Des prélats, des docteurs, serpents à face humaine,

Reniant Jeanne et Dieu pour la cause romaine

Et livrant l’Héroïne au supplice du feu.

 

On dresse l’échafaud par un raffinement

Aussi cruel qu’infâme ; oui, le plus haut possible,

En ajoutant au crime un crime indescriptible,

Moyen de torturer ainsi plus lentement

 

Celle qui va monter au séjour des élus

Pour son pays ; mais c’est en Dieu seul qu’elle espère,

Et, comme fit le Christ, en appelant son père,

D’une voix expirante, elle appelle Jésus !

 

Jeanne d’Arc ! Jeanne d’Arc ! chaste et virile enfant ;

Modèle le plus pur de la chevalerie,

Ton âme, de là-haut, veille sur la patrie

Que releva jadis ton drapeau triomphant ! ! !

 

 

F. ORSE,

Président d’honneur des Concours poétiques

du Midi de la France.

 

(Extrait de la Revue Française.)

 

 

Repris dans La Lumière en janvier 1889.

 

 

 

 

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