J’aime le soir
J’aime le soir, quand la brise légère
Vient m’apporter le doux parfum des fleurs ;
Quand, au couchant, des gerbes de lumière
Sur le Jura mélangent leurs couleurs.
J’aime le soir quand une voix s’élève,
En gais accords, de l’églantier fleuri ;
Lors je m’assieds doucement sur la grève,
En t’admirant, ô rossignol chéri !
Mon bleu Léman, ta vague se déroule
En sillons blancs sur un rivage aimé.....
Es-tu sacrée, ô terre que je foule !
Par ton amour je me sens enflammé.
Que j’aimerais.... mais ma verve est glacée....
En vers brûlants, mon pays, te chanter ;
Pour toi sera ma dernière pensée.....
Mon ombre, ici, viendra te regretter.
J’aime le soir quand la lune blanchâtre
Du Muveran couronne le sommet ;
Quand près d’un bois à la teinte grisâtre,
Je puis encor revoir mon vieux chalet.....
Adieu, troupeaux et riants pâturages !
Sapins blanchis par la neige ou les ans !
Adieu, rochers, glaciers les plus sauvages !
Toujours vos noms paraîtront dans mes chants.
J’aime, zéphyr, entendre ton murmure,
Quand le silence invite au doux sommeil,
Ta chaude haleine, en rasant la verdure,
Va d’une fleur préparer le réveil ;
Fille des prés, du matin, sur ta tige
Se posera le léger papillon ;
Tout gracieux, il va, revient, voltige
De fleur en fleur, de la fleur au sillon.
J’aime l’éclair, cet enfant des nuages,
En deux clins d’œil il verrait l’univers ;
J’aime le luth aux cent voix des orages ;
Il s’accorda sur l’horizon des mers.
J’aime ton bruit, tonnerre, dans l’espace,
Au monde entier tu dis : « Crains mon auteur ! »
Mortels ! prosternez-vous : dans cette nue il passe ;
Incrédule, frémis en voyant sa grandeur.
François OYEX.
Recueilli dans Les poètes vaudois
contemporains, par A. Vulliet, 1870.