Évocation

 

 

Serait-ce toi, Seigneur, qui passes dans le soir ?

Sur la brume du lac, est-ce ta silhouette ?

Le sapin se balance ainsi qu’un encensoir

À tes pieds et tu viens, penché sur ta houlette

 

Tu souris en frôlant notre agile canot,

Frère des lourds bateaux qui servirent ta route,

Peut-être entendrons-nous, dans la chanson du flot,

Le cri de ton apôtre assailli par le doute !

 

Notre appel est le même : « Ô Seigneur, sauve-nous

Des périls, des laideurs, de l’orgueil, de l’envie !

Au pays canadien, que l’écho des bois roux

Redise, plein de foi, tes paroles de vie ! »

 

Tu traverses le camp écrasé sous la nuit...

Une clarté combat l’ombre dans chaque tente ;

Notre angoisse te joint et notre amour te suit,

Tu le sais bien, c’est toi que voulait notre attente !

 

Un vieux tronc va mourir pour le feu rituel,

Prends place en notre cercle, ô doux Roi de nos êtres,

Marthe jadis t’offrit l’eau, le pain, et le sel,

Voici notre foyer, nos cœurs où tu pénètres !

 

Prends part à notre joie, à nos chants familiers,

Scandés par les tisons jetant leurs étincelles ;

Les astres, dans l’azur, assemblés par milliers,

De ton nimbe éclatant nous semblent des parcelles !

 

Un silence fervent se pose sur nos fronts,

L’arbre en cendres s’affaisse et, lentement, expire...

Apprends-nous à prier... parle, nous t’écoutons,

La nature se tait, nul roseau ne soupire...

 

Près de ce lac, hanté par le chevreuil craintif,

Et reflétant sans fin notre union profonde,

Reste au milieu de nous, ô divin Fugitif,

Amour et charité te gardent en ce monde !

 

Précède notre file aux tremblantes lueurs,

Et viens te reposer devant le seuil des tentes ;

Demain, nous chercherons, dédaignant toutes fleurs,

La trace de tes pas sur les herbes naissantes !

 

Nous scruterons les bois et le profond des cieux,

Croyant toujours revoir ta haute silhouette,

Nous sentirons encor ton regard sur nos yeux,

Et, suprême bonheur, ta main sur notre tête !

 

 

 

Simone PARÉ.

 

 

 

 

 

 

 

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