Les derniers jours
Quand vint la dernière semaine
Il entra dans Jérusalem.
Les Juifs criaient à perdre haleine,
Semant de branches le chemin.
Puis survint le temps de l’orage,
Où le cœur se ferme à l’amour,
Où le mépris tord les visages,
Voici venir le dernier jour.
Le ciel de plomb, de tout son poids,
S’est écrasé sur les faubourgs,
Les pharisiens, renards, sournois,
Cherchent des preuves tout le jour.
Par la force obscure du temple,
La populace l’a jugé,
Et la foule, à trahir ardente,
Maudit ce qu’elle a vénéré.
Se bousculant au seuil des portes,
Le long des rues, avidement,
Le peuple interroge l’escorte,
Dans l’attente du dénouement.
Les voisins parlent aux voisins
De légendes et de croyances,
On évoque, rêve lointain,
La fuite en Égypte et l’enfance.
Et l’on se souvient du désert
Et de la montagne où Satan
Pour l’abattre lui fit présent
Des royaumes de l’univers ;
De Cana, du vin et de l’eau,
De l’émoi de tous les convives
Et de la marche sur les flots
Dans la brume, sur l’autre rive,
De la descente dans la tombe
Des pauvres gens épouvantés,
Du cierge qui vacille, tombe,
De Lazare ressuscité.
Boris PASTERNAK, Le Docteur Jivago,
Dix-septième partie, Vers de Iouri Jivago, XXII.
Extrait de : Boris Pasternak, Œuvres, La Pléiade, 2014.