L’enterrement du petiot

 

 

                                                                                 À Honoré Guiornaud.

 

 

Le père a fait la bière avec des bouts de planche,

Et la mère a roulé le petit dans un drap,

Après l’avoir paré comme pour un dimanche,

Et déjà l’heure approche où le curé viendra.

 

Les frères et les sœurs, et toute une marmaille

Sont là pour voir clouer la boîte de sapin,

Les yeux effarés sous leurs cheveux en broussaille,

En rongeant par moments leurs tartines de pain.

 

Le prêtre arrive : on part, et la petite bière

Chemine, saluée en route des passants ;

À l’église l’abbé marmotte une prière,

Jette un doigt d’eau bénite, et brûle un grain d’encens.

 

Le fossoyeur attend, appuyé sur sa bèche ;

Bien vite le convoi se remet en chemin,

Et chacun en marchant songe à son foin qui sèche,

Et qu’il faudra rentrer en grange avant demain.

 

Bientôt tout est fini : la fosse est recouverte,

Et le père, passant sa manche sur ses yeux,

Regagne d’un pas lent et lourd la lande verte

Où chantent les moissons sous l’été radieux.

 

La mère jusqu’au soir seule au logis demeure ;

Dans l’armoire de chêne elle range avec soin

Les langes du petiot ; puis elle songe et pleure,

Les yeux sur le berceau resté vide en un coin ;

 

Et là-bas dans l’enclos maintenant solitaire

Où piaillent au soleil les moineaux querelleurs,

Sur le petit cadavre encor tiède, la terre

Recommence à pousser ses herbes et ses fleurs.

 

 

 

Henri PAUTHIER,

Au village, 1900.

 

 

 

 

 

 

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