La messe des oiseaux

 

 

                                                                                      À Madame Colucci.

 

 

En avril, entr’ouvrant son capuchon de brume,

Le vieux clocher sourit, dans l’azur émergeant ;

Le soleil y ricoche, et sur son toit qui fume

Fait jaillir un brasier d’étincelles d’argent.

 

Des légions d’oiseaux accourent du finage,

Et, battant à l’envi des ailes sous les cieux,

Semblent coiffer la vieille église d’un nuage

Qui crève par moments en tumultes joyeux.

 

Des combes, des taillis, des prés verts par centaines

Ils sont venus, oiseaux chanteurs, oiseaux siffleurs ;

Ils ont lissé leur plume au cristal des fontaines,

Et humé la rosée au gobelet des fleurs.

 

Et tous, musiciens du ciel ou de la lande,

Ménestrels du sillon, bardes de la forêt,

Sur le clocher moussu s’entassent en guirlande,

Rouge-gorge, bouvreuil, verdier, chardonneret.

 

L’hirondelle au pinson raconte ses voyages ;

Le chœur des moineaux francs nargue les longs hivers ;

La fauvette célèbre en ses doux babillages

Le frêle espoir des nids sous les ombrages verts ;

 

Puis tous, à plein gosier, et de toute leur âme,

Ils entonnent en chœur le salut au printemps ;

Leur aubade, là-haut, vers le jour qui s’enflamme

Monte, en trouant l’azur de ses sons éclatants.

 

Les roulades, et les trilles, et les fusées

Prennent dans l’air mouillé leur essor argentin

Et les voix des petits chanteurs, comme aiguisées,

Lacèrent sans répit les échos du matin.

 

La vieille église, comme une grande volière,

Éperdument siffle et gazouille ; et, jamais las,

L’orchestre aérien, qu’enivre la lumière,

Sonne ses Te Deum et ses Alleluias.

 

                                            *

                                         *    *

 

Mais là-haut, se penchant aux fentes des nuages,

Dieu dît au peuple ailé qui vibre à l’unisson :

« Allez, et par les champs, les bois et les villages,

Semez partout la joie et la bonne chanson.

 

Chantez le soleil, et les plaines radieuses,

Chantez l’épi qui lève, et l’espoir du blé mûr ;

Qu’avec vous, sur le toit des chaumières pieuses

Mes bénédictions descendent de l’azur !

 

Chantez dans le sillon, et chantez dans la nue ;

Que vos battements d’aile, et vos appels joyeux

Autour du laboureur constellent l’étendue

Et fassent sur sa tête un dais mélodieux !

 

Aux branches des vergers, aux porches des étables

Suspendez le fragile édifice des nids ;

Que l’humble toit de chaume aux poutres vénérables

Vibre, ainsi que les bois, de concerts infinis !

 

Allez, et dans les airs dispersez vos phalanges ;

Prenez possession de mon printemps vermeil ;

Mêlez votre musique aux hymnes de mes anges,

Et venez réchauffer votre aile à mon soleil.

 

                                            *

                                         *    *

 

Ayant tous gazouillé leur grand’messe à l’église,

Les fidèles courriers plongent dans le ciel bleu,

Et tournoyant dans le nuage et dans la brise,

Vont répandre partout les promesses de Dieu.

 

 

 

Henri PAUTHIER,

Au village, 1900.

 

 

 

 

 

 

 

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