Licorne
Qu’on me laisse battre monnaie.
Je ne fais de mal à personne.
Je suis la princesse des haies
Du chant magique à la licorne.
Chèvre, chèvre, brouteuse d’eau
Buveuse de trèfle nouveau,
Au matin, quand le pâturage
Devient source et l’herbe breuvage,
La lune écu, sur un ciel noir,
Pour un chevalier sans terroir
Et qui rêve de guerroyer
Pour une Vierge au lourd psautier,
S’agenouillant au bord des sources,
Octroyant aux crapauds sa bourse,
Afin qu’en la ville nouvelle
Ils puissent s’acheter des ailes.
J’ai pris parti, pour ma cité.
Je vis dans ma commune franche.
Tous ceux qu’angoisse fait boiter,
Ceux qu’un remords fangeux déhanche,
Tous les souffreteux jusqu’aux os,
Tous les colporteurs de fardeaux
Excessifs, recevront aumône
D’argent, vif et massif, qui sonne
Comme cloche du jugement
Promis, dès les commencements
Par Dieu, afin que soit rendu
L’amour qu’ils n’ont jamais reçu.
C’est pourquoi, je veux que l’on orne
Ce dernier, de blanche licorne
Qui se tient douce, de profil,
Touchant terre à peine d’un fil !
Catherine PAYSAN.
Recueilli dans Panorama de la nouvelle poésie
d’expression française, Unimuse, Tournai, 1963.