Offrande

 

 

Laissez mon rêve entrer dans cette pauvre échoppe

Où je vous vois peiner, misérable artisan

Soumis aux lois du fer et du bois... et des gens ;

Ô Seigneur, ouvrez-lui pour qu’il vous enveloppe

 

Du même amour dont vous enveloppait Marie !

Pour tailler ce bois lourd, laissez-moi vous guider,

Ces mains que l’on cloûra, laissez-moi les aider...

Mon rêve est bon comme l’homme de Samarie.

 

Avec la bonne odeur du bois mis en volutes,

Son salaire sera la bonne odeur de Vous,

Vous tendant vos outils dans leur manche de houx,

Faisant tourner la meule où Joseph les affûte.

 

Non ! Laissez-le plutôt, mon rêve, condescendre

À n’être que ce bois docile entre vos mains,

Mais qu’il faut façonner aujourd’hui, car demain

Il pourrait n’avoir plus de prix que pour la cendre.

 

Que sous vos doigts habiles ses fibres gémissent

Au fer de la douleur ! Seigneur, afin qu’il soit

À peu près comme Vous, mettez mon rêve en croix

Plutôt qu’inemployé par Vous, il ne pourrisse !

 

Tranchez, coupez, frappez et polissez mon rêve

Et faites le viril, ô divin charpentier,

Doux au toucher quand même et correct tout entier ;

Comme une flèche ardente et droite, qu’il s’élève !

 

 

 

 

 

Maurice PÉLABON.

 

Recueilli dans Les poètes de la vie :

œuvres inédites d'auteurs contemporains,

choix de Louis Vaunois et Jacques Bour, 1945.