Entends ma voix, fidèle
Air : Une jeune pucelle de noble cœur.
L’ANGE
Entends ma voix, fidèle.
Pasteur, suis-moi,
Viens témoigner ton zèle,
Adorer un roi.
Ce Dieu si grand est né dans une étable,
Est humain comme toi.
LE PASTEUR
Quel crieur de gazette
Ai-je entendu ?
Porte ailleurs tes sornettes.
C’est temps perdu !
Qu’un Dieu soit né, l’aventure est jolie,
La plaisante saillie
D’un esprit morfondu.
L’ANGE
Ce qu’un Dieu fait entendre
Du haut des Cieux,
On ne peut le comprendre
En ces bas-lieux.
Qu’un Dieu soit né, l’aventure est étrange,
Mais tu le tiens d’un ange.
Pasteur, ouvre les yeux.
LE PASTEUR
Bon Dieu ! Quelle lumière
Dans ce hameau
Vient frapper ma paupière !
Est-ce un flambeau ?
J’en suis surpris, il n’est pas ordinaire
Que la nuit soit si claire ;
Le jour n’est pas si beau.
L’ANGE
C’est le temps des miracles
Que celui-ci.
L’énigme des oracles
Est éclairci.
Tout est changé, le corps succède à l’ombre,
Le jour à la nuit sombre ;
Le Ciel l’ordonne ainsi.
LE PASTEUR
Expliquez-moi de grâce
Le changement.
Que faut-il que je fasse
En ce moment ?
Ange du Ciel ! ah ! je vous en conjure,
Chassez la nuit obscure
De mon entendement.
L’ANGE
Je veux bien te conduire
Puisqu’il le faut.
L’éclat que tu vois luire
Viens du Très-Haut.
Dieu te fait voir par ce grand jour qui brille
Qu’il est né d’une fille
Sans tache et sans défaut.
LE PASTEUR
Je crois qu’à sa puissance
Tout est permis.
J’adore sa naissance
D’un cœur soumis.
Mais l’homme inquiet trahit ce divin Maître.
Pourquoi vient-il de naître
Parmi tant d’ennemis ?
L’ANGE
C’est par l’amour extrême
Qu’il a pour vous
Qu’il vous sauve lui-même
De son courroux.
En un arrêt dont il est le viatique
Il s’est chargé du crime
Et l’homme en est absous.
LE PASTEUR
Ô Père le plus tendre
Qui fut jamais,
Comment peut-on lui rendre
Tant de bienfaits ?
De ses trésors, il enrichit la terre ;
Nous lui faisons la guerre,
Il nous donne la paix.
L’ANGE
Suis-moi jusqu’au village,
Ne tarde pas,
Tu dois lui rendre hommage,
Viens sur mes pas.
Je vois l’ardeur de l’amour qui le presse
À force de tendresse
Fera-t-il des ingrats ?
LE PASTEUR
La même ardeur m’enflamme
Dans ce moment.
Secondez de mon âme
L’empressement.
Hâtons nos pas. Je ne puis plus attendre.
Peut-on trop tôt se rendre
Près d’un Dieu si charmant ?
Simon-Joseph PELLEGRIN,
Noëls nouveaux sur les chants des Noëls anciens, premier recueil,
Paris, 1735, chez Nicolas Le Clerc.
Recueilli dans La grande et belle bible
des Noëls anciens, XVIIe et XVIIIe siècles,
par Henry Poulaille, Éditions Albin Michel, 1950.