Un retour à Dieu et à la vie
Mon corps rongé de fièvre, éteint par la souffrance,
N’attendait déjà plus que l’heure du trépas ;
Et mon œil affaibli perdant toute espérance,
Ne voyait que l’abîme entrouvert sous mes pas.
« Le printemps renaissait, les fleurs allaient éclore
« Et les joyeux mortels s’apprêtaient au plaisir ;
« Les jardins et les bois reverdissaient encore ;
« Et moi, privé de tout, j’allais bientôt mourir !
À tout instant, hélas ! ces sinistres pensées
S’en revenaient en foule effrayer mon esprit ;
Puis, je me rappelais mes ivresses passées,
Ô ciel... ce n’était plus qu’un beau songe qui fuit !
Adieu, disais-je, aussi, mes amis, je succombe...
Nous que recouvre encor le voile des malheurs !
Quand je ne serai plus, ô, venez sur ma tombe,
En souvenir de moi répandre quelques pleurs !
Combien de fois, hélas ! au milieu des alarmes,
J’implorai de mon Dieu la suprême pitié !
Le cœur gros de soupirs, les yeux baignés de larmes.
Combien de fois aussi je me suis écrié :
« Je reconnais, seigneur, la grandeur de mes crimes ;
« J’ai mérité les maux que tu me fais souffrir.
« Et vois s’ouvrir, déjà, sous moi les noirs abîmes
« Mais rejetteras-tu les fleurs du repentir !....
Enfin, le ciel propice écouta ma prière,
Et daigna me prêter son céleste secours ;
Alors, je m’écriai, salut douce lumière,
Salut !.... J’ai cru te perdre au matin de mes jours !.....
Ce doux bienfait, grand Dieu de ta bonté suprême
Dans mon cœur, à jamais, demeurera gravé ;
Car, si, venant encor, je revois ceux que j’aime,
Ce n’est que pour bénir la main qui m’a sauvé !...
Orphir PELTIER.
Paru dans La Minerve en 1842.
Recueilli dans Les textes poétiques du Canada français,
vol. IV, Fides, 1991.