L’amour pèlerin

 

 

L’amour est en pèlerinage :

Ouvrez-lui la porte en passant ;

Pour ceux qui font un long voyage

Il faut être compatissant.

 

Pauvre petit ! sa gourde est vide...

Vous buvez du vin, sans pitié !

Demain vous aurez une ride

Si vous n’en donnez la moitié.

 

Sa robe est toute déchirée,

Elle laisse nus ses genoux !

Donnez votre mante fourrée.

Allons, vite ! dépouillez-vous !

 

Cet enfant aux cheveux d’aurore

Va vers un pays plein de jour,

Si lointain que chacun l’ignore,

Le pays du parfait amour.

 

Mais ses pieds sont las, et sans doute

La fatigue ferme ses yeux.

Il a très froid sur la grand-route :

Faites place à l’oiseau frileux !

 

Voyez son chapelet d’ivoire ;

Il l’égrène sans se lasser

Et c’est une éternelle histoire

Où le pater est un baiser.

 

Il restera peu, n’ayez crainte,

Son passage est court, et demain

En souriant de votre plainte

Il reprendra le grand chemin...

 

Mais, pour un jour, ouvrez la porte.

Le ciel est sombre, il va pleuvoir.

Ne soyez pas dur de la sorte,

Au foyer laissez-le s’asseoir.

 

Il est faible, faites-lui grâce ;

Il est discret, il se taira ;

Et vous verrez sa grande place

Seulement quand il s’en ira !

 

L’amour est en pèlerinage :

Ouvrez-lui la porte en passant ;

Pour ceux qui font un grand voyage

Il faut être compatissant.

 

 

 

Jeanne PERDRIEL-VAISSIÈRE.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1892.

 

 

 

 

 

 

 

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