Le prince Fernand, infant du Portugal

 

 

Dieu me donna son glaive afin que j’entreprenne

Et mène à bien sa sainte guerre.

Pour l’honneur et pour le malheur il m’ordonna

Son féal, en ces temps où déferle un vent froid

Sur la froidure de la terre.

 

Il mit ses mains sur mes épaules, et sur mon front

Déposa l’or de son regard ;

Ah ! cette fièvre d’Au-Delà, qui me consume,

Et cette aspiration à la grandeur, voilà

Son nom qui vient vibrer au fond de moi.

 

Et je m’en vais, en brandissant le glaive, éclat

Illuminant mon visage si calme.

Gorgé de Dieu, je ne crains pas ce qui viendra :

Advienne que pourra, jamais ce ne sera

Plus grand, plus vaste que mon âme.

 

 

 

Fernando PESSOA,

Je ne suis personne – une anthologie,

Christian Bourgois éditeur, 1994.