Ode
À Charles Péguy
sur la rime de France
J’irai par poésie au beau métier de France,
Voulant faire chef-d’œuvre en digne compagnon,
Et, le corps journalier, je tiendrai le sillon
De la persévérance.
Je chercherai l’image à la source de France ;
Écriture, caresse auront la même main ;
Chaque ligne physique, horizon ou chemin,
Suivra sa préférence.
Lors, comme j’écrirai sur l’ardoise de France,
Tant viendra le soleil de la vive saison
Que mon cœur mûrira ; cette comparaison,
J’en fais ma référence.
Rougissant au toucher de la rose de France,
Je chanterai, comme au jardin originel,
La fleur de l’âge humain ouverte à l’éternel,
Couleur ! forme ! fragrance !
Je le dis pour la mer aux rivages de France :
Entre les êtres et les choses nulle épave,
Il n’est ciment de miel plus solide et suave
Qu’entre nous l’espérance.
J’allumerai ma tête à l’étoile de France,
Toute nuit mon épée ardente veillera,
De garde au bien public pendant que dormira
Mon frère de souffrance.
Par Jeanne ! j’étendrai l’azur du ciel de France
Où n’ont toujours battu que pour la liberté
Les ailes de l’Esprit et jamais déserté
Notre sœur Délivrance.
Je ferai bon le feu sur la terre de France ;
Aux morts voici leur part de la chaude amitié,
À la planète Amour nous donnerons moitié
Douce ombre et transparence.
Je dessinerai Dieu sur le vitrail de France
Comme un homme debout, en bleu de chauffe, étés
Comme hivers, au travail pour les ressuscités
Saints dans leur ignorance.
Paris, octobre 1954.
Henri PICHETTE,
Odes à chacun,
Gallimard, 1988.