Poème offert à Paul Claudel
PAR DELÀ LE TEMPS
quelle ville d’oiseaux
l’arbre claudélien de très haute futaie
oiseaux qui vous saluaient l’aurore
à pleins gosiers
o Crux ave
le ciel cria le sol pria
alleluia et hosanna
écoute
le franc-parler rencontre un écho chez les pierres
les plantes ont parfois la lenteur de berceuses
c’est
l’hymne sacrée des trois règnes de la nature
aux trois temps du Verbe
je vous écoute enfants de lumière
le blé comme la vigne ensoleillèrent vos bouches
magnificat
l’éternité s’appuie un moment sur l’humus
et de l’arbre tombé les oiseaux chantent l’âme
cet arbre ô connaissance
oui le bien et le mal s’en disputèrent l’ombrage
mais il était
l’un des plus beaux qui fussent venus sur la patrie
nous éprouvions la fermeté de son enracinement
nous admirions les enfourchures de ses branches maîtresses
la verte corpulence de son feuillage
sa floraison étoilait nos journées
nous garderons le goût solide de ses fruits
cet arbre-là de l’humaine forêt
pyramida sous le soleil
aujourd’hui ses vieux ans sont passés dans les ombres
allons camarades mes frères
que la forêt restante assume l’énergie
qu’elle attire tel un aimant
la justice des cieux
qu’elle capte la foudre
qu’elle en obtienne le substantiel esprit
déléguons
sur des ailes douces comme feuilles de bible
notre colombe
à la terre qui souffre
la terre a tourné d’un jour nouveau
les hommes de la terre ont des devoirs anciens
qui les font très-nouveaux
grâce au génie filial
patience de Dieu pour volonté des hommes
Henri PICHETTE.
Paru dans Esprit en 1959.