Au bal
Dans la lourde chaleur pesant sur les salons
Règne un dieu dont le culte immonde nous attache.
Les Juifs ne lui donnaient que des agneaux sans tache
Et c’est nos propres cœurs qu’à lui nous immolons.
Comme aux vieux tapis francs sonnait l’or des doublons,
Quand le soldat vainqueur en frisant sa moustache
Jouait le prix du sang, un rythme se détache
Par-dessus le joyeux allégro des violons,
Et passant enfiévrés par ce bruit métallique,
Nos rêves ne vont plus vers le Dieu catholique
Mais un autre Idéal emplit nos infinis ;
Car le brun amoureux comme la vierge blonde
Entonnent en valsant étroitement unis,
La chanson du Veau d’or, l’hymne au dieu du Grand Monde.
Marquis de PIMODAN,
Les soirs de défaites, 1887.