Prière

 

 

Pardonne, ô Christ, les rêves du poète

Qui se prosterne en baisant tes pieds nus.

Je reconnais qu’au vent de la tempête,

Où nous allons sur des flots inconnus,

J’ai vacillé, que l’espace d’une heure

J’ai pu douter, mais dans mon cœur brûlant

La vieille foi profondément demeure,

Et je reviens à ton gibet sanglant.

 

C’est la lumière et la voie et la vie,

Dans le désert de l’incrédulité.

En toi la vierge a son âme ravie,

D’amour divin pour une éternité,

En toi le brave a mis son espérance,

En toi s’en vont les rêves de l’enfant,

Eu toi, Français, j’espère pour la France

Tout le bonheur d’un siècle triomphant.

 

Ô Christ Sauveur, dans ma foi catholique

Je te confesse et l’adore et te dis

Que je suis prêt sur la place publique

À m’en aller parmi les plus hardis ;

Que je suis prêt à lutter pour ta cause,

Prêt à souffrir, à mourir s’il le faut,

Qu’on peut demain dresser dans l’aube rose

Le noir carré du terrible échafaud.

 

Oh ! ne crains pas que l’horreur me pénètre.

Comme un soldat sait tomber à son rang,

Je serai digne, et de toi divin Maître,

Et des chrétiens dont le sang fait mon sang.

Qu’alors de moi jamais ne se retire

Ta grâce sainte, et je pourrai, joyeux,

Âme lavée aux sources du martyre

Ne pas montrer une tache à tes yeux.

 

Auprès de toi, dans le ciel plein d’étoiles,

Pécheur absous, j’irai vers ta clarté,

Et, dissipant la lueur de tes voiles,

Tu me diras : – Viens à la Vérité ;

Viens, tu n’as pas aux combats de la terre,

En affrontant la honte et le trépas,

Rougi de moi, ton Dieu ; devant mon Père,

Mon fils, de toi je ne rougirai pas.

 

Viens, je pardonne un moment de faiblesse.

Tu n’as pas vu dans ton esprit charnel

Que le succès qui te trouble et te blesse

N’a qu’un moment, car je suis l’Éternel.

Car toute vie est la source d’un fleuve,

Qui va du monde au destin mérité,

Car le malheur n’est qu’un instant d’épreuve,

Car je me nomme et Justice et Bonté.

 

Oh oui ! mon Dieu, pardonne-moi le rêve

Que j’ai pu faire en m’éloignant de toi ;

Que ta clémence auguste me relève

Du sombre abîme où s’éteignait ma foi !

Pardonne-moi les doutes des défaites,

Car ton amour remplit toujours mon cœur,

Et retrouvant des rimes plus parfaites,

J’annoncerai ta gloire, ô Christ vainqueur !

 

 

Marquis de PIMODAN,

Les soirs de défaites, 1887.

 

 

 

 

 

 

 

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