Solitude
Debout sur le gibet, je te regarde,
Foule !
Mains tendues, tordues de tous ceux
Qui ne savent pas aimer,
Aussi cruels et perfides que le fauve
Dans sa tanière puante.
Qu’il est clair le chemin des solitudes,
Loin de vous !
Christ sanglant, livide, flagellé,
Insulté,
Les yeux clos sur ta douleur,
Pâle figure d’Hostie, je te remercie.
Je te remercie, Christ, de m’avoir donné
La puissante carène de la mer
Pour m’évader,
La sauvage clameur du vent
Descendu des cimes originelles
Pour chanter,
L’arbre pour appuyer mon front,
Écorce amère, odeur de la terre
Où je dormirai.
Petite lune soyeuse, nénuphar
Au jardin des étoiles,
Blanches caravelles des nuages,
Bruit sourd des coquillages
Pétales de sable,
Fleur éblouissante de la nuit
Dans le silence aux gerbes de cristal,
Loin des cris, loin des yeux de ceux
Qui ne savent pas aimer
Ni te regarder en face, soleil !
Ô Christ,
Qu’elle est belle la douce rose
Sur la branche posée, la rose
Que tu m’as donnée.
Andrée PINCÉ.
Paru dans Rythmes et couleurs en 1961.