Christine à son fils
Fils, je n’ai mie grand trésor
Pour t’enrichir, mais, au lieu d’or,
Aulcuns enseignements montrer
Te vueil, si les vueilles noter.
Dès ta jeunesse pure et monde,
Apprends à connaître le monde,
Si que tu puisses par apprendre
Garder en tous cas de méprendre.
Aie pitié des pauvres gens
Que tu vois nus et indigents,
Et leur aides quand tu pourras !
Souviengne toi que tu mourras.
Aime qui te tient ami
Et te gard’ de ton ennemi :
Nul ne peut avoir trop d’amis,
Il est nuls petits ennemis.
Ne laisse pas que Dieu servir
Pour au monde trop asservir :
Car bien mondains vont à desfin
Et l’âme durera sans fin.
Christine de PISAN.