Qui sut jamais vraiment...

 

 

Qui sut jamais vraiment comment saisir la vie,

Qui n’a de celle-ci dissipé la moitié

En rêve, en fièvre, ou en discours avec des fous,

En tourment d’amour, en pure perte de temps ?

 

Et même l’être sans tourment ni trouble, et né

Avec la conscience de ce qu’il doit faire,

Et qui s’est tôt choisi un chemin d’existence,

Ne peut que blêmir devant ses contradictions.

 

Chacun espère que le bonheur lui sourie,

Mais ce bonheur, le supporter quand il arrive,

Est l’affaire de Dieu plutôt que d’un humain.

 

D’ailleurs, il ne vient jamais, nous ne faisons qu’espérer et oser :

Jamais pour le dormeur il ne tombera du toit,

Et même le coureur ne pourra l’attraper.

 

 

 

August von PLATEN.

 

Recueilli dans Anthologie bilingue

de la poésie allemande,

Gallimard, 1993.