Ballade pour ceux

qui n’ont pas de souliers

 

 

C’est Noël. Le Messie en sa crèche d’osier

Tend au peuple assemblé ses petits bras de cire ;

Réchauffé par l’ânon, la vache et le bélier,

Sur sa paille Jésus à tous semble sourire.

Apportant à ses pieds l’encens, l’or et la myrrhe,

Les mages sont venus pour le glorifier ;

Le pauvre aussi l’adore et voudrait le lui dire :

Mais comment viendrait-il ? Il n’a pas de souliers.

 

Les cierges sont éteints. Chacun rentre au foyer

l’odeur du boudin cuit à point nous attire ;

Dos au feu, ventre à table, on va bien festoyer,

Et presque jusqu’à l’aube on va chanter et rire.

En ville même joie, aussi même délire,

Les couples d’amoureux vont chez les gargotiers ;

Cependant qu’au taudis le miséreux soupire :

Comment sortirait-il ? Il n’a pas de souliers.

 

La neige immaculée étend son tablier ;

– Flocons de laine froide et que décembre étire

Le riche en ses draps chauds va dormir, oublier...

Et le vieux Noël va parcourir son empire.

Chaque petit bébé rêve à ce qu’il désire,

Vous que les fils de gueux doivent fort envier,

Heureux bébés, prenez dans votre tire-lire

Quelques sous pour ceux-là qui n’ont pas de souliers !

 

 

                                                 ENVOI

 

Prince, gavé, repu, prends aussi dans ta bourse !

Donne ! et cela vaudra beaucoup mieux que prier ;

Donne ! et qu’au Ciel Jésus, s’il le veut, te rembourse :

Car Jésus, le Bon Gueux, n’avait pas de souliers !

 

 

 

Fernand POIDEVIN.

 

Paru dans La Jeune Picardie en 1900.

 

 

 

 

 

www.biblisem.net