L’Hiver descend du ciel...

 

 

L’Hiver descend du ciel sur terre et sur nous-mêmes.

Non pas le vieil hiver de neiges et de gels,

Avec des visions de blanches Archangels

Qui font étinceler les strophes des poèmes,

 

Mais le morose Hiver de pluie et de tourmente

Qui suinte sa détresse aux lézardes des murs,

Qui, tantôt longs sanglots et tantôt sursauts durs,

Emplit les jours des cris de son âme démente...

 

Nos bonheurs ont suivi les oiseaux, cet automne :

Comme eux ils sont partis vers des pays d’exil...

Non ! je ne songe pas à l’impossible avril

En écoutant le feu qui, dans l’âtre, chantonne.

 

Mais je me sens si loin aujourd’hui de la vie,

Que j’essaie, au mépris de la pluie et du vent,

De retrouver un peu les chers hivers d’enfant

Qui descendaient si beaux sur mon âme ravie ;

 

Les candides hivers enrobés de silence

Qui, vers moi, s’en venaient en vieux pèlerins blancs,

Dont le souffle sans bruit glaçait l’eau des étangs,

Dont un signe faisait neiger le ciel immense ;

 

Où, la face aux carreaux comme à travers un rêve,

Des heures, je laissais s’ensorceler mes yeux

Aux tourbillons des lents flocons mystérieux

Qui descendaient du fond de l’Infini sans trêve...

 

Hélas ! ils ont suivi les antiques rois mages,

Ces hivers et le froc neigeux des vieux Noëls ;

Ils sont allés rejoindre aux tombeaux éternels

Les songes de blancheur et les belles images...

 

Mais l’Hiver d’aujourd’hui, le vrai, l’inexorable,

L’Hiver de l’Âme, sombre et fou comme la Peur,

Passe, gémit, rugit, se tord, laissant mon cœur

D’une mélancolie invincible, incurable,

 

Devant un feu plaintif qui palpite et se meurt...

 

 

 

Joseph-Émile POIRIER,

La Légende d’une Âme.

 

 

 

 

 

 

 

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