Si Dieu me disait...
Ah ! si Dieu me disait : – Homme, veux-tu la gloire
Je la mets à tes pieds ; je répondrais : – Seigneur,
Amère est cette source, et je craindrais d’y boire.
Donnez-moi plutôt le bonheur.
Et si Dieu me disait : – La vaste renommée
T’attend ; suspends ton vol à ses ailes de feu ;
Aux superbes essors ma pauvre âme fermée
Dirait : – C’est trop pour moi, mon Dieu !
Et si Dieu me disait : – Vois cette multitude ;
Sous ton souffle puissant voudrais-tu la ployer ?
Je dirais : – Laissez-moi ma chère solitude,
L’écho discret de mon foyer.
Et si Dieu me disait : – Des projets de la terre
Poursuis les plus brillants, choisis les plus nouveaux ;
Je dirais au Seigneur : – Ma lampe solitaire
Sourit à mes humbles travaux.
Et si Dieu me disait : – Sois un homme de guerre ;
Je lui dirais : Mon Dieu, s’il faut être un vainqueur,
Au lieu du don fatal qui frappe le vulgaire,
Rendez-moi maître de mon cœur.
Mais si Dieu me disait : – Veux-tu d’un grand poète
Connaître – fût-ce un jour – le redoutable honneur ?
Pour ses divins tourments ton âme est-elle prête ?
Oh ! je répondrais : – Oui, Seigneur !
Adolphe POISSON.
Recueilli dans Lecture à haute voix,
par M. V. Delahaye, Beauchemin, 1896.