L’ange de Serrabone
Ô grande tour de schiste dur
Qui regardes toute la pente
Dans ton silence net s’arrête
Le soleil éternel et glissant
Jamais je ne me suis senti si près
De la pensée triste de la mort.
Jamais comme aujourd’hui je ne l’ai sentie
Si attachée aux battements de mon cœur.
Elle s’accordait déjà avec mon corps,
Comme si je portais mon vêtement
De terre, et sans un souffle elle venait
Clore le temps révolu.
Le temps, d’une seule couleur de cire
A jauni le chapiteau.
L’ange de lumière s’y tient à l’espère
Avec son regard désert d’oiseau.
L’éternité ensorceleuse
Semble clouée dans son front lisse
Son encensoir ne bouge pas puisque l’heure
N’est pas fugitive au Paradis.
Tandis que la porte recueillie
Sous son arc nous voit laisser,
Ombre détachée, notre vie,
Et le soleil l’essuie sur le seuil.
Josep-Sebastià PONS.
Recueilli dans J. S. Pons,
par Yves Rouquette,
Seghers, 1963.