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La prière universelle


Père de tout ce qui vit, et dans tous les âges,
            En tous pays adoré avec peur,
Par tous les saints, les sauvages, et tous les sages,
            Jéhovah ! Grand Esprit ! Seul Dieu ! Seigneur !

Ô Première Cause, peu comprise, dit-on,
            Qui limitas toujours mon sens suprême,
En ceci seul que je sais qu’en toi tout est bon,
            Et que je suis bien aveugle moi-même !

Pourtant, Dieu ! Tu me laissas dans ce sombre état,
            Pour discerner le bien du mal, sans haine,
Et liant la Nature ferme au sort ingrat,
            Laissas libre la volonté humaine.

Ce que la conscience me dit qu’on doit finir,
            Ou qu’elle m’avertit de ne pas faire,
Ô Dieu, plus que l’Enfer, apprends-moi à le fuir,
            Plus qu’au Ciel, au premier je veux me plaire.

Tout le bien que Ta libre bonté m’a donné,
            Ne me laisse pas le rejeter vite,
Car, Dieu, lorsque l’homme reçoit, est repayé,
            Et obéir, c’est bien jouir de suite.

Cependant qu’à cet étroit espace de terre,
            Ne laisse pas Ta bonté me borner.
Comment croire que de l’homme seul Tu es Père,
            Quand je vois plus d’un monde en haut briller ?

Ne laisse pas cette faible main, – pauvre sonde, –
            Oser lancer Tes foudres, Ton mépris,
Ni répandre la damnation dans ce bas monde
            Sur ceux que j’estime Tes ennemis.

Si j’ai raison, Seigneur, répands Ta douce grâce;
            Dans le droit chemin puissé-je marcher !
Mais si j’ai tort, apprends à mon coeur qui se lasse,
            À trouver sur terre un meilleur sentier.

Sauve-moi également de la fierté folle
            Ou du mécontentement fort impie,
De toute chose dont Ta Sagesse m’isole,
            Ou de ce que Ta Bonté me confie.

À compatir aux maux d’autrui, veuille m’apprendre,
            À cacher toute faute que je vois,
Et la clémence qu’aux autres je cherche à rendre,
            Cette clémence, ô Dieu, montre-la-moi.

Mesquin, comme je le suis quelquefois, en peine,
            Quoique animé de Ton Souffle si fort,
Où je vais, mène-moi, Seigneur, âme sereine,
            Aujourd’hui, dans la vie ou dans la mort.

M’accorder aujourd’hui le pain et la paix daigne !
            Tout ce qui se trouve sous le soleil,
Tu sais s’il vaut mieux ou non que je les atteigne,
            Ta Volonté soit sur terre et au ciel !

À toi, mon Dieu, dont le grand Temple est tout l’espace,
            Dont l’autel sublime est terre, cieux, mer,
Que tout être Te chante un grand chorus de grâce,
            Du monde que l’encens pur monte en l’air !



Alexander POPE.

Traduit par sir Tollemache Sinclair.

 

 

 

 

 

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