Sur une rose
Pudique, sur sa tombe une fleur a germé.
Humblement elle est là, sur ce front bien-aimé,
Inclinée au soleil, pure comme son âme.
Ce qu’après la lumière et ce qu’après la femme,
Le Seigneur a créé de plus doux, de plus beau :
Une rose, devait sortir de son tombeau !
Tout meurt et tout renaît, loi divine et fatale.
J’aime à te respirer, ô rose sépulcrale !
Devant ton frais calice et ton feuillage vert,
Je demeure pensif et le front découvert,
Car ton corps, ton parfum, ta fleur, ton moindre atome
Est fait de sa dépouille, est fait de son fantôme !
Car tout ce que tu tiens de vie et de beauté,
Du fond de cette tombe à ta tige est monté ;
Et tu ne te serais jamais épanouie,
Si la morte à tes pieds n’était pas enfouie !
Entre son ombre et moi, rose courbée au vent,
Toi seule es l’interprète et le lien vivant !
En te touchant, je touche à quelque chose d’elle ;
Tu sembles tressaillir, quand tout bas je l’appelle ;
Je peux te confier mon chagrin étouffant,
Oh ! tu me comprendras, toi, sa sœur, son enfant !
En toi-même elle existe, elle rêve et s’épanche :
N’est-ce pas sa douleur que ta tige qui penche ?
Ta sève, c’est son sang tiède et mystérieux ;
C’est un pleur de regret qui coula de ses yeux
Que la perle qui brille au sein de ta corolle ;
Un soupir de son âme en ton parfum s’envole ;
Et le duvet qui court grisâtre sur tes bords
Est un peu de sa cendre, un lambeau de son corps,
Un baiser échappé de sa couche fatale,
Ô Rose ! – Et c’est pourquoi ton calice est si pâle !
Georges de PORTO-RICHE, Tout n’est pas rose, 1877.