Le poète
Tant qu’Apollon n’exige pas
Le poète pour proie sacrée,
Parmi les soins de ce vain monde
Il reste lâchement plongé ;
Sa lyre divine est muette,
Son cœur savoure un rêve calme,
Et des vains enfants de la Terre
Sans doute est-ce lui le plus vain.
Mais vienne le Verbe du dieu
À toucher son ouïe subtile,
L’âme du poète frémit,
Telle, au réveil, celle de l’aigle.
Lassé des passe-temps terrestres,
Il va fuyant les bruits humains,
Au pied des idoles du peuple
Il ne prosterne point son front,
Mais grave et farouche, il recherche,
Loin de tous bruits et du tumulte,
Le bord des vagues solitaires
Et l’ample rumeur des forêts.
Alexandre Sergueievitch
POUCHKINE, 1827.
Recueilli dans Anthologie de la poésie russe,
choix, traduction et commentaires de Jacques David,
Stock, 1947.