Le fléau des inondations

 

À MON FILS.

 

 

Quoi ! nulle trêve

Au flot mouvant ?

Comme il s’élève

Au bruit du vent !

La foudre gronde,

Le ciel est noir ;

Le pauvre monde

N’a plus d’espoir.

 

L’affreuse nappe

S’étend partout,

Rien ne s’échappe,

Rien n’est debout.

Est-ce un déluge ?

Est-ce une mer ?

Voilà ton juge,

Siècle de fer !

 

Les maisons croulent ;

Et dans leurs plis

l.es vagues roulent

Mille débris ;

Et, le teint blême,

Chacun répond

Qu’on entend même

Craquer le pont.

 

Miséricorde !

Guerre au fléau !

Vite une corde,

Vile un bateau !

Gens de courage,

Plongez, nagez

Au sauvetage

Des naufragés.

 

Aux cris d’alarmes

Du malheureux

Mêlés aux larmes

De tous les yeux,

Au son des cloches

Et des tambours,

Amis et proches

Serez-vous sourds ?

 

Être immuable,

Être infini,

L’homme coupable

Est bien puni :

Dana ta vengeance

Pourquoi punir

Et l’innocence

Et l’avenir ?

 

Pour nous instruire

Que l’homme a tort

De se conduire

En esprit fort,

Quand rien n’étonne

Ce ver géant,

Dieu l’abandonne

À son néant.

 

Que de misères

À partager,

De petits frères

À soulager !

Que d’orphelines

Sans feu ni pain

Sur des ruines

Tendent la main !

 

Dans ta jeune âme

Grave, ô mon fils,

En traits de flamme

Ces temps maudits.

Sachons comprendre

Qu’aux jours de paix

Il faut s’attendre

Aux jours mauvais.

 

 

 

J.-B. POURRAT, juin 1856.

 

Paru dans La France littéraire, artistique, scientifique en 1859.

 

 

 

 

 

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