Clochettes matinales

 

 

Avant le jour. Deux sons, deux notes enfantines,

Grêles voix d’un couvent lointain, sonnant matines.

L’humble métal n’a rien de l’imposante voix

Du bourdon, ni du bronze au vénérable poids

Qui convoque, vibrant encor de moyen-âge,

Les forts cerveaux, honneur, heur de l’échevinage.

Il n’est grave ni lourd, guerrier ni triomphant,

Et, je ne puis mieux dire, il a le timbre enfant.

Ce sont des cœurs soumis, des femmes, qu’il appelle

Sous la voûte de bois d’une basse chapelle.

Les saintes vont causer, doucement, simplement,

Avec le saint orné d’un nouveau vêtement.

Le paradis qui s’ouvre en leurs songes paisibles

Les entoure déjà dans les objets visibles

Qui font parler les murs, chanter l’autel ; leur main

Touche leurs vœux. Un charme idéal de l’humain

Transposé dans leur âme est le divin pour elles.

La Vierge au paradis a des robes plus belles,

Des joyaux plus brillants, que l’œil ne compte pas,

Mais elle a le visage et le geste et le pas

De celle qu’elles ont voilée avec du tulle.

Ce qu’en sa seule ardeur leur seul désir postule,

C’est de s’asseoir au ciel aux tables que Jésus

Préside, familier comme au soir d’Emmaüs.

Voilà pourquoi, l’hiver, ces femmes, jeunes, vieilles,

Délicates, s’en vont, lorsque tu les éveilles,

Clochette, prendre place au banc glacé du chœur.

L’heure est noire au dehors, elle est blanche en leur cœur.

 

 

 

Ernest PRAROND.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1897.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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