Le petit cimetière
À ma tante, la sœur Sainte-Angèle.
Un jour, au fond du vieux Quimper,
J’ai vu la Providence
Et j’ai de ce moment si cher
Gardé la souvenance.
En rêve, depuis, je revois
Dans l’enclos solitaire
L’alignement des humbles croix
Au petit cimetière.
Je pense, les yeux pleins de pleurs,
À ces sacrifiées
Qui sans amours et loin des leurs
Vécurent oubliées ;
Qui malgré tant de dévoûment
Dans une vie austère,
N’ont même pas un monument
Au petit cimetière.
Nul être aimé n’y vient, en deuil,
Prier sur une tombe.
Jamais sur un pauvre cercueil
Une larme n’y tombe.
Mais dans ses vœux de chaque jour
La fillette sans mère
Songe du moins avec amour
Au petit cimetière.
Mais les oiseaux, soir et matin,
Sur ces tertres de mousse
Chantent un cantique divin
D’une voix triste et douce,
Et leur chant s’élève au delà
Des échos de la terre
Pour celles qui reposent là,
Au petit cimetière.
Pierre PRONOST.
Paru dans L’Année des poètes en 1895.