Lazare
J’habitais un corps lézardé. Il dut se fendre d’un coup, car je m’éveillai au miracle de vivre : je reçus l’aube comme un baquet d’eau fraîche.
Quand la nuit n’est qu’une lie dans nos regards et que voir c’est mesurer l’abîme, quel bonheur (je suis sûr de ce mot) quel bonheur de hisser son corps jusqu’à la margelle ! Les mains meurtries touchent l’huile du jour, le visage s’élance, plus léger que nos jambes.
Est-ce l’innocence du matin ? La grâce d’un fruit cueilli dans le jardin ? Je ne sais, je ne saurai jamais. Mon cœur bat dans un homme étonné de se savoir en vie. Cela ressemble à un secret.
Gaston PUEL.
Recueilli dans Panorama de la nouvelle poésie
d’expression française, Unimuse, Tournai, 1963.