Repentir
Comme elles ont peu duré, ô mon cœur, tes joies passées ! Comme ils ont été courts, les jours du plaisir et de l’amour !
Je me figurais – malheureux ! – que ce temps ne finirait jamais, que le chemin de la vie serait à jamais plat ;
Que les fleurs dont je ceignais ma tête garderaient leurs parfums et leurs couleurs en une fête éternelle ;
Et que le nectar exquis qui enivrait ma raison, et que je savourais avec délice, ne deviendrait jamais âcre.
Après les fleurs sont venues des épines, et d’autres épines encore ; après le nectar, j’ai bu des poisons amers.
Hélas ! la douceur du péché, pour agréable qu’elle soit, n’en empoisonne pas moins le pauvre cœur qui dans son erreur se fie à elle.
Plus la désillusion tarde à venir, plus elle apporte de châtiments avec elle, et plus est lamentable la plainte du cœur qui se désespère.
Mais si, ayant recours à la croix, le pécheur s’humilie, s’il se ressouvient de Dieu, il se réconcilie avec lui.
Ainsi donc, ô Croix ! dans mon tourment, je t’embrasse avec amour ; prête-moi ton appui, et je me relèverai de ma chute.
Je ne vous demande pas, Seigneur, de mettre un terme à ma pénitence, ni d’en affaiblir la rigueur. Je vous demande de la patience.
Antoine PUIGGARI.
Traduit du catalan par Jean Amade.
Recueilli dans Anthologie catalane (1re série : Les poètes roussillonnais),
avec Introduction, Bibliographie, Traduction française et Notes
par Jean Amade, agrégé de l’Université, professeur au Lycée
de Montpellier, 1908.