Paraphrase du psaume XVIII

 

               COELI ENARRANT GLORIAM DEI

 

 

Toi qui de l’Éternel contemples les miracles,

Les feux du firmament sont-ce pas des oracles

Dont le silence parle et s’entend par les yeux ?

Et le pouvoir qu’ils ont dessus notre naissance,

Peut-il venir d’ailleurs que de cette Puissance,

Qui tient ferme la terre et fait mouvoir les Cieux ?

 

L’ordre continuel dont depuis tant d’années

L’on voit naître et finir les nuits et les journées

Et mesurer leur cours d’un si juste compas,

N’est-ce pas un chef-d’œuvre où chacun peut connaître

Que ce grand Artisan de qui tout prend son être,

Ne fait point au hasard les choses d’ici-bas ?

 

Ces visibles effets d’une cause invisible,

Ces suprêmes grandeurs, cette essence impassible,

Exigent de nos cœurs l’honneur qui leur est dû ;

Ils prêchent aux Gentils, ils prêchent aux sauvages

Et dans tout l’Univers il n’est point de langages

Où leur discours muet ne puisse être entendu.

 

Cet esprit qui du temps précède la naissance,

Afin de témoigner que sa magnificence

Ainsi que son pouvoir est sans comparaison,

De l’Astre le plus beau qui sur la terre et l’onde

Se fait voir tous les jours aux yeux de tout le monde

Lui-même en le faisant en a fait sa maison.

 

Là sa grandeur fait voir à tout ce qui respire,

Dans son trône éternel digne de son empire

Sur des lambris d’azur briller des diamants :

Jamais le blond Hymen, couvert d’or et de soie,

Quand il a chez les rois joint la pompe à la joie,

N’a fait dans leur palais luire tant d’ornements.

 

C’est de là que sa force égalant sa justice,

Un jour il sortira pour détruire le vice,

Tel qu’un puissant géant au combat préparé,

Il atteindra partout, tout craindra son tonnerre,

Ses yeux verront partout, et par toute la terre

Rien n’est si ténébreux qui n’en soit éclairé.

 

Il n’est point d’ignorant que ses œuvres n’instruisent,

Il n’est point de méchant que ses lois ne réduisent,

Chacun diversement est appelé de Dieu ;

Mais les cœurs généreux qui peuvent sans contrainte

Faire pour son amour ce qu’on fait pour la crainte

Comme les plus parfaits, auront le plus haut lieu.

 

Ainsi qu’aux réprouvés la peine est assurée,

Ainsi la récompense est aux bons préparée,

Hors de tous les malheurs dont nous sommes troublés :

L’or n’a point de beautés qui soient si désirables,

Ni le miel le plus pur, de douceurs comparables

Au moindre des plaisirs dont ils seront comblés.

 

Heureux sera le cœur délivré de tout vice,

Qui donnant à son Dieu sa vie et son service,

Se rend digne de biens qui lui sont destinés !

Et qui de sa raison connaissant l’impuissance,

Quand il a des pensers trop remplis de licence,

Les étouffe en son âme aussitôt qu’ils sont nés.

 

Et bienheureux encor qui voyant la manie

De ceux que le péché tient sous sa tyrannie,

Ne veut que son Dieu seul pour Maître et pour appui :

Qui partout est pareil, et qui se prenant garde

Que celui qui voit tout, en tous lieux le regarde,

Se gouverne en tous lieux, comme étant devant lui.

 

Souverain Roi des rois, Providence éternelle,

Qu’en la mer de ce monde à toute heure j’appelle :

Mon Dieu, mon Rédempteur, mon aide, et mon support !

Puisqu’à tous mes besoins tes bontés toujours prêtes

M’ont déjà tant de fois retiré des tempêtes,

Achève ton ouvrage, et me conduis au port.

 

 

 

Honorat de RACAN.

 

Recueilli dans Anthologie religieuse des poètes français,

t. I, 1500-1650, choix, présentation et notes d’Ivan Gobry,

Le Fennec éditeur, 1994.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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