Sur le bonheur des justes

et le malheur des réprouvés

 

 

Heureux qui, de la sagesse,

Attendant tout son secours,

N’a point mis en la richesse

L’espoir de ses derniers jours !

La mort n’a rien qui l’étonne ;

Et, dès que son Dieu l’ordonne,

Son âme, prenant l’essor,

S’élève d’un vol rapide

Vers la demeure où réside

Son véritable trésor.

 

De quelle douleur profonde

Seront un jour pénétrés

Ces insensés qui du monde,

Seigneur, vivent enivrés ;

Quand, par une fin soudaine,

Détrompés d’une ombre vaine

Qui passe et ne revient plus,

Leurs yeux, du fond de l’abîme,

Près de ton trône sublime

Verront briller les élus !

 

Infortunés que nous sommes,

Où s’égaraient nos esprits !

Voilà, diront-ils, ces hommes,

Vils objets de nos mépris :

Leur sainte et pénible vie

Nous parut une folie,

Mais aujourd’hui triomphants,

Le ciel chante leur louange,

Et Dieu lui-même les range

Au nombre de ses enfants.

 

 

 

Jean RACINE, Cantiques spirituels.

 

Recueilli dans Poètes de Jésus-Christ,

poésies rassemblées par André Mabille de Poncheville,

Bruges, Librairie de l’Oeuvre Saint-Charles, 1937.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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