Sur l’immortalité de l’âme

 

 

Quand je pense, chargé de cet emploi sublime,

Plus noble que mon corps, un autre être m’anime,

Je trouve donc qu’en moi, par d’admirables nœuds,

Deux êtres opposés sont réunis entre eux.....

Mais sur l’âme la mort ne trouve point de prise ;

Un être simple et pur n’a rien qui se divise.

Comment périrait-il ? Le coup fatal au corps

Ne rompt que ses liens, dérange ses ressorts.

Qu’est-ce donc que l’instant où l’on cesse de vivre ?

L’instant où de ses fers une âme se délivre.

Le corps, né de la poudre, à la poudre est rendu :

L’Esprit retourne au ciel dont il est descendu....

D’où nous vient du néant cette crainte bizarre ?

Rien n’y rentre ; en cela la nature est avare.

Si du sel ou du sable un grain ne peut périr,

L’être qui pense en moi craindra-t-il de mourir ?

Ô mort ! est-il donc vrai que nos âmes heureuses

N’out rien à redouter de tes fureurs affreuses,

Et qu’au moment cruel qui nous ravit le jour,

Tes victimes ne font que changer de séjour ?

Quoi ! même après l’instant où tes ailes funèbres

M’auront enseveli dans de noires ténèbres,

Je vivrais ! Doux espoir ! que j’aime à m’y livrer !

Des siècles à venir je m’occupe sans cesse ;

Ce qu’ils diront de moi m’agite et m’intéresse :

Je veux m’éterniser, et dans ma vanité

J’apprends que je suis fait pour l’immortalité.

Mais des biens d’ici-bas mon âme est mécontente :

Grand Dieu ! c’est donc à toi de remplir mon attente....

Quand sur la terre enfin je vois avec douleur

Gémir l’humble vertu qu’accable le malheur,

Je lève mes regards vers un être suprême,

Et je le reconnais dans ce désordre même.

S’il le permet, il doit le réparer un jour.

Il veut que l’homme espère un plus heureux séjour.

Oui, pour un autre temps, l’Être juste et sévère,

Ainsi que sa bonté, réserve sa colère.

 

 

 

Louis RACINE.

 

Recueilli dans

Choix de poésies religieuses

et morales, 1837.

 

 

 

 

 

 

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