Acrostiches à la Vierge Marie

 

 

                        I

 

Ma bien-aimée, ô Notre-Dame,

À vous, ma peine et mon émoi !

Régnez en Reine dans mon âme ;

Infiniment, régnez sur moi !

 

Étouffez toute impure flamme

Dans ma pensée en désarroi ;

Et, si le doute la réclame,

Servez d’asile à mon effroi.

 

Ne vous montrez que bénévole

Envers mon cœur, mon cœur frivole ;

Il vous délaisse chaque jour...

 

Grande, si grande est sa folie !...

Et, même quand il vous oublie.

Souvenez-vous de votre amour !

 

 

                        II

 

Au-dessus du naufrage humain,

Vivante étoile inespérée,

Éclaire la voile égarée,

Montre-lui le divin chemin !

 

À toute nef désemparée,

Roulant sous le vent du destin,

Indique au loin le port certain,

Séjour de paix récupérée.

 

Sur l’océan noir du péché

Ton rayon d’or pur est penché ;

Et, dans sa clarté bienfaitrice,

 

L’âme s’évade de l’enfer !

Louange à toi, libératrice !

Astre immaculé de la mer !

 

 

                        III

 

Ma prière vers vous je la sens misérable,

Avec ce cœur glacé qui vous aime pourtant !

Reine, recevez-en l’hommage grelottant :

Il n’est si pauvre don qu’il ne soit désirable !

 

Et, puisque, sans foyer, ô Vierge de l’étable,

Dans le frimas d’hiver, vous bordiez votre Enfant,

Enveloppez aussi d’un amour réchauffant,

S’il doit battre pour vous, mon cœur inacceptable.

 

N’ai-je pas mille espoirs d’un asile éternel

Entre vos bras, petit paradis maternel ?...

Ils sont infiniment puissants vos privilèges !...

 

Gardez-moi donc, malgré ma crainte et mes soucis ;

Et soyez celle encor qui, pour ses fils transis,

Se fit nommer, un jour, Notre-Dame des neiges !

 

 

                        IV

 

Vous étiez le décret de l’éternel vouloir,

Immarcescible Vierge autant qu’immaculée !

Réceptacle rempli de grâce accumulée,

Gardée au Christ futur par un divin devoir.

 

Or, vous êtes ainsi de tout mal isolée,

Parce qu’en s’incarnant le Fils voulait avoir

Un peu de ciel pour gîte, ici-bas, et pouvoir

Regarder, sans regret, sa mère inviolée.

 

Il n’est rien de pareil à votre pureté,

Si belle, que Dieu seul la dépasse en beauté,

Si haute, qu’elle rend mon éloge illusoire !

 

Intégrale et mêlée à la divinité,

Mais, humaine... ô splendeur ! L’heureuse humanité

Aura conquis, par elle, un Sauveur et la gloire !

 

 

 

Lucien RAINIER, Avec ma vie,

Montréal, Éditions du Devoir, 1931.

 

 

 

 

 

 

 

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