Sur la mort de Louis Fréchette

 

 

                                    I

 

Un érable est tombé... Dans le clair paysage

de la patrie, il dessinait un grand contour ;

son ombre enveloppait la terre avec amour ;

des oiseaux merveilleux chantaient dans son feuillage.

 

Et, vers l’appel divin du soleil, chaque jour,

montait plus haut sa fière cime, quand l’orage,

d’un formidable choc, a soudain clos son âge...

Ceux-là qui l’ont perdu le pleurent sans retour.

 

Un érable est tombé... La débordante sève

n’alimentera plus, au prochain avenir,

sa verte frondaison de pensée ou de rêve...

 

Mais tu lui resteras fidèle, ô Souvenir !

Écoutez : sur le monde, un vent de gloire emporte

l’écho mélodieux de sa ramure morte !...

 

 

                                    II

 

Poète ! si ton corps dans l’ombre disparaît,

ton poème à jamais resplendit sur l’histoire !

Cette patrie en deuil, qu’illumine ta gloire,

pare ton souvenir d’un immortel regret.

 

Tu chantas sa beauté : fleuve, plaine ou forêt ;

son passé de défaite auguste ou de victoire ;

et ta voix, dont résonne encor notre mémoire,

puisait dans un cœur franc l’éclat d’un verbe vrai.

 

Sois béni, pour ton œuvre abondante et vivace !...

Quand ils diront ton nom, les hommes de ma race

seront de gratitude et d’orgueil envahis ;

 

et les enfants liront tes vers, dans les écoles,

pour apprendre, aux leçons de tes nobles paroles,

à vénérer leur Dieu, leur langue et leur pays !...

 

 

                                                                          Juin 1908.

 

 

 

Lucien RAINIER, Avec ma vie,

Montréal, Éditions du Devoir, 1931.

 

 

 

 

 

 

 

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