Religieuses


                                    I

Maigres, le corps miné par la tuberculose,
mais troquant avec Dieu, pour du ciel, leurs douleurs,
ces vierges terminaient leur pâle vie enclose
au Pavillon Saint-Roch, isolé dans les fleurs.

La Mort leur détaillant son arrêt clause à clause,
c’étaient, en vérité, de longs jours que les leurs !
Pourtant, malgré la toux et sa sinistre glose,
on ne remarquait pas, dans leurs grands yeux, de pleurs.

C’est que tous leurs regrets étaient taris. Et même,
elles cachaient leur nom sous un terme emprunté :
Donalda, Bérénice, Angèle de Bohême...

Épouses du seul Roi, pour partir en beauté,
leur lèvre murmurait : « Votre promise, Sire ! »
Un anneau d’or bénit ornait leur main de cire...


                                    II

C’est leur sérénité que je voudrais traduire...
Comme il sied de remplir un point du Règlement,
et sûres de trouver l’évangélique Amant,
au seuil du Paradis, prompt à les introduire,

elles mouraient d’un cœur ordinaire, humblement.
L’humilité divine ayant su les séduire,
leur âme, jusqu’au bout, pour la mieux reproduire,
s’alimentait d’amour au mystique Froment.

Quand l’ombre les gagnait, fatale avant-courrière,
on leur montrait la croix du Christ adoré tant !
Et le suprême assaut du mal, en cet instant,

n’osait pas déranger leur sourire en prière !...
Elles mouraient ainsi. Sur leur front calme et blanc,
la Mort, baiser de Dieu, se posait, en tremblant !

 

 

 

Lucien RAINIER, Avec ma vie,
Montréal, Éditions du Devoir, 1931.