Sagesse

 

 

Aussi longtemps que le soleil,

      sur la rondeur du monde,

      mettra son feu vermeil

      et sa poussière blonde,

 

les poètes, qui sont partout

      gens de grande sagesse,

      aimeront mieux que tout

      leur sereine richesse ;

 

iront, en laissant de côté

      la recherche des causes,

      célébrer la beauté

      et le parfum des roses.

 

Que le savant peine ! Qu’il ait

      filtres et micromètres !

      Eux diront le reflet

      mais non le fond des êtres.

 

Que bataillent rois et sujets !

      clament les démagogues !

      Eux feront des sonnets,

      peut-être des églogues ;

 

ne seront guère ambitieux

      de conquérir fortune,

      ayant tout l’or des cieux

      et le beau clair de lune.

 

À ceux qui les nommeront : fous

       (quoique admirant leur songe),

      ils répondront : – Et vous ?

      Car, la vie est mensonge.

 

Ils auront, quand viendra la fin,

      la fin de leur voyage,

      autant que le voisin,

      la glaise, pour partage.

 

Hé ! hé ! C’est à quoi vous pensez

      logiques personnages !

      Où sont les insensés,

      sur terre, où sont les sages ?...

 

 

 

Lucien RAINIER, Avec ma vie,

Montréal, Éditions du Devoir, 1931.

 

 

 

 

 

 

 

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