Sonnet pour la petite morte


Tu peux dormir tranquille en ton cercueil fermé,
sans un pli de regret sur ta bouche amaigrie,
car, nulle moins que toi jamais ne fut flétrie,
fleur que l’avril vit naître et qui mourus en mai.

Que, seul, près de ton corps, pour toi, le cierge prie !
Ce jeune front, trop lourd de rêve et trop aimé,
penchait, comme un épi précocement formé ;
et Dieu, pour sa moisson, te vit déjà mûrie.

Devant ta couche blanche, enfant aux cheveux blonds,
je regarde passer, monotonement longs,
mes jours, dont chaque aurore est triste davantage,

de vivre en ignorant si le trépas vainqueur
aura, pour m’enlever vers l’éternel partage,
l’immense élan d’amour que possédait ton cœur !

 

 

 

Lucien RAINIER, Avec ma vie,
Montréal, Éditions du Devoir, 1931.