Le cristal vivant
Vif et pareil aux scintils des rosées,
Aiguail de feu des feuilles arrosées
Dans la jeunesse des aurores ;
Plus argentinement sonore
Que le battant et musical métal
Qui tinte au faite aigu des fins clochers légers,
Au cœur du Rocher
Fleurit le cristal.
Géométrique et d’une ordonnance parfaite,
Sa rigidité réfractante est faite
De mille facettes
Aux arêtes vives.
Blessé, il se guérit et sait cicatriser
La trace où le choc l’a brisé.
Il naît, s’engendre et meurt comme les corps qui vivent ;
Et le penseur, devant l’analogie étrange
Qui rend ce naissant et mortel cristal
Par la vie et la mort aux mortels presque égal,
Tandis que sa clarté l’apparente à l’archange,
Songe, ô Leibniz, au grand lien fondamental.
Monade des cristaux, âme des pierres,
Offrent à l’air leurs transparentes nudités ;
Miroirs choisis, prismes purs habités
Par les sept dons de la Lumière des Lumières ;
Jardins de flamme froide enfouis sous des voiles
De roc obscur, d’où les extirpent des marteaux,
Ne sont-ils pas, les radieux cristaux,
Frères de ces cristaux célestes : les étoiles ?
Dans la nuit de ce monde, étoiles de la Terre,
Les cristaux du Très-Pur laissent mourir leurs feux...
– Réveillez-vous, comme Lazare, Je le veux,
Afin que vos rayons réjouissent mon Père. –
Oh ! la voix de Jésus fuyant toujours Hérode.
Obélisques nains des géodes,
Il passe en votre Égypte et dans vos roches brunes,
Comme du clair de lune
Aux frissons des ruisseaux,
Il épand sa Lumière à travers vos faisceaux.
La candeur arde en eux des limpides baptêmes
Et du fleuve d’eau vive apparu à saint Jean.
Le ciel des cieux s’y mire et son regard plongeant,
Silencieusement semble dire : « Je t’aime ! »
À la vierge clarté de leurs glaces d’argent.
Polyèdres brillants que le jour transpénètre,
Tels des glaciers foudroyés d’or sous le soleil,
Le feu des cieux descendu dans leurs aîtres
Rend leur Hiver splendide à son Été pareil.
Cristal mystique, étagements du gel,
Fourmillement des glaces symboliques,
Au cœur nacré du Rocher catholique
Vierges se renvoyant leur éclat mutuel !
Georges RAMAEKERS, Le Chant des Trois Règnes.