La sentinelle solitaire
C’était la fin du jour,
La pénombre s’installait,
Le chant monotone des oiseaux de nuit
Se taisait peu à peu sur la colline ;
Parmi les ombres de la vallée
Les hommes vaillants dormaient,
Et une sentinelle solitaire faisait les cent pas
Pour veiller sur le camp durant cette nuit.
C’était un homme grave et solennel,
Au front large et sombre,
Et dont les yeux rêveurs semblaient
Exprimer quelque vœu inaccompli.
Son regard mélancolique balayait les plaines
Sous la lumière des étoiles,
Et tout en murmurant le nom de Dieu,
Il veillait sur le camp durant cette nuit.
L’avenir déroulait pour lui
Son grand et terrible parchemin –
Manassas et la marche de la Vallée
Submergeaient son âme ;
Richmond et Sharpsburg grondaient comme le tonnerre,
Avec cet énorme combat
Qui le livra aux cohortes séraphiques
Lui qui veillait sur le camp cette nuit.
Nous pleurons celui qui est mort pour nous
Avec un gémissement soumis,
Tandis que dans la Vallée du Seigneur
Il s’avance vers le trône.
Il a conservé la foi des hommes et des saints,
Sublime, pure et brillante ;
Il repose – et tout va bien pour lui
Qui veillait sur le camp cette nuit.
Frères ! le crépuscule de la cause
Est au cœur de notre destinée,
Démoniaques, les Goths souillent nos maisons
Par le feu, la luxure et la haine.
Soyez forts, soyez vaillants, soyez confiants –
Frappez juste, pour le Ciel et le Droit !
L’âme de Jackson rôde au dehors
Et garde le camp cette nuit.
James Ryder RANDALL.
Recueilli dans La poésie sudiste au temps de la guerre de Sécession,
florilège traduit de l’anglais et présenté par
Christophe DOLBEAU, Éditions Akribeia, 2021.