Le règne de la grâce
« Seigneur, il me souvient que les marchands d’Asie
» Sur la navette aiguë entremêlaient leurs fils
» À des brins d’or poudrant de scintillants grésils
» Cette soie où l’œil des fiancés s’extasie.
» Je veux ouvrer pour vous une étoffe choisie
» Aux calices béants pointant drus leurs pistils :
» Vierges, tramez des lis et de si purs profils
» Que les maîtres-brodeurs pleurent de jalousie.
» Vous, mes frères, selon le monde, humbles et grands,
» Vous, mes moines, aussi, soyez les tisserands
» Du métier symbolique où j’ai mis l’ourdissage.
» Et lorsque tout le lin roui sera filé,
» Nous verrons, fiancés ravis, notre tissage
» S’étendre lamé d’or sous le ciel constellé ».
Jules RAULIN.
Paru dans Le Spectateur catholique en novembre 1897.