Par les longs soirs d’hiver
Par les longs soirs d’hiver, quand j’e me trouve seul
Plié dans mes regrets ainsi qu’en un linceul,
Ou que dans ma maison vide et jadis si pleine,
Je vais la lampe en main, ainsi qu’une âme en peine,
À l’aspect du fauteuil recouvert de vieux cuir
Où, tour à tour, je vis les miens dépérir,
De l’armoire poudreuse et de la table oisive,
Trop ample maintenant pour son dernier convive.
Je sens je ne sais quoi d’amer et d’étouffant
Qui m’oppresse et me fait pleurer comme un enfant.
Épi faible et tremblant qu’oublia la faucille,
J’incline à ce repos que goûte ma famille.
Mais bientôt, ô mon Dieu, pour calmer mon émoi,
Comme un fidèle ami vous descendez vers moi...
Aux sons intérieurs de la sainte parole
Mon cœur presque mourant renaît et se console,
Et secouant l’effroi du désespoir passé
Comme un songe pénible au matin effacé,
Il bénit le rayon dont l’éclat le rassure.
Ah, pardonnez, Seigneur, à mon triste murmure,
Aux larmes dont parfois mes yeux sont inondés ;
Je ne mérite pas ce que vous m’accordez ;
Car vous me tenez lieu, sous mon toit solitaire,
Et d’épouse, et d’enfant, et de père, et de mère.
Jean REBOUL.
Recueilli dans Poètes de la famille du XVIe au XIXe siècle, Casterman, s. d.