J’obéirai à l’enfance
J’ai entendu le secret.
Car la parole est sur l’arbre,
dans la mort qui rend vivant
et dans l’or ressuscité
qui a transmué la mer.
Mais mon amour n’est pas mûr.
Ah ! cependant que j’écoute
et que me cherche le roi,
me soit propice le sang
comme l’olive au pressoir
– et fidèle la pitié,
pour que ma langue ne mente
ce jour que mon père est mort
et qu’il est né dans le Père !
J’obéirai à l’enfance
qui a reconnu ma chair
dans sa chair ensevelie
et lui partage le pain.
Un double fleuve à mes os
fait maintenant donner l’huile.
Et c’est un peuple avec moi.
J’étais encore au désert.
Et voici l’eau et la viande
comme un profond pâturage.
Ma bouche a goût de quelqu’un
qui ne vient pas de mes villes.
Mais que la brûle un chardon
et sale l’herbe mes dents
et Dieu me lave la moelle
sur le rocher d’Isaac
avant que soit proféré
ce qui descend du silence.
Ce sera bain de verveine
quand je ferai ton amour.
Car ton amour accompli
Je prendrai noce avec moi.
Je serai mort au pays
qui ne peuplait que mon corps
des ombres froides du feu,
et nu de l’autre visage
où rien de vrai ne vivait
j’aurai mon nom sous le tien
pour être ensemble avec toi
moi-même et toi dans l’Esprit.
Jean-Claude RENARD,
En une seule vigne, Seuil.