La jeune malade

 

 

Un antique fauteuil est devant la maison,

On étale un tapis pour couvrir le gazon

    Que le soir déjà rend humide.

Elle va s’avancer aux bras de ses parents ;

À peine entendons-nous ses pas légers et lents,

    Démarche de vierge timide.

 

Des oiseaux du bocage elle entend les concerts,

Elle jette un regard aux prés touffus et verts,

    Sourit à ce qui l’environne ;

À ses yeux elle porte avec peine sa main

Pour fixer le soleil à peine à son déclin,

    Puis elle pâlit et frissonne.

 

Le siège qui l’attend est bien vite avancé,

Et le mol édredon est à peine pressé

    Par son corps frêle et diaphane.

Sur les coussins son cou retombe faiblement

Comme la tige... hélas !... qui fléchit tristement

    D’une pauvre fleur qui se fane.

 

De ses grands yeux voilés s’échappent des lueurs

Toutes pleines d’amour, de regrets, de douleurs.

    Ou bien, par instants, souriante,

Elle cause gaîment, et ne s’aperçoit pas

Que sa mère laissait, à chacun de ses pas,

    Tomber une larme brûlante.

 

Son jeune cœur s’exhale en de tendres soupirs,

Vers le ciel aussitôt montent tous ses désirs

    Sur les ailes de l’espérance.

Ô garde-la, Seigneur, des affreux coups du sort,

Ne laisse pas surtout l’impitoyable mort

    La prendre au sortir de l’enfance.

 

Elle est née d’hier, elle est à son matin ;

Pour elle l’avenir était calme et serein

    Comme d’un beau jour est l’aurore.

C’est une douce fleur qui veut s’épanouir,

C’est un ange qui veut apprendre à te bénir.

    Oh ! ne la reprends pas encore !

 

Du haut des cieux tu répands tes bienfaits,

Tu verses l’abondance et l’espoir et la paix,

    Et tu reçois toute prière.

À l’être qui succombe accorde la vigueur,

Redonne un peu de force à l’enfant qui se meurt,

    Et laisse une fille à sa mère !

 

 

 

Louis RENOU.

 

Recueilli dans Les poètes vaudois

contemporains, par A. Vulliet, 1870.

 

 

 

 

 

 

 

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