Les deux voix
La Musique et la Poésie
Ont souvent mêlé leurs accords ;
La même coupe d’ambroisie
Inspire leurs divins transports.
Elles charment par leur mystère
L’oreille et l’âme ; toutes deux
Pour les exilés de la terre
Sont un écho divin des cieux.
L’une parle à notre nature,
Son langage est compris de tous ;
L’autre aussi, suave et plus pure,
Nous élève au-dessus de nous.
Leur chant exalte, pleuré ou prie,
Tantôt fort, tantôt caressant ;
Et l’Empyrée est leur patrie :
L’une y monte, l’autre en descend.
Mais quand l’une à l’autre se mêle,
En écoutant leurs sons si doux,
Là-haut, vers la voûte éternelle,
Les petits anges sont jaloux.
Car Dieu s’incline sur son siège,
Lorsque les deux sœurs font monter
Leur hymne ; et le divin cortège
Se recueille pour écouter.
Alors tout le chœur angélique,
Voyant ses accords superflus,
De dépit cessant sa musique,
Écoute comme les Élus.
Auguste ROCHETTE.
Paru dans L’Année des poètes en 1895.